La vie de notre
localité durant la première guerre mondiale a toutefois été marquée par
une autre forme d'occupation puisque Guînes a été ville de garnison pour
l'armée belge de 1914 à 1917.
Le travail ainsi réalisé est en quelque
sorte une espèce de chronique de la vie locale du début du siècle.
Les recherches ont été effectuées à partir
de différents ouvrages, travail de recherche également aux archives
municipales mais surtout une grande partie de ce qui va vous être raconté
ce soir est extrait d'un petit carnet de notes écrit par un guînois entre
1909 et la fin des années 20. C'est à Eugène Brouttier que je fais
ici allusion, lequel était clerc de notaire à Guînes. Il occupait ses
loisirs à peindre et à dessiner. Les filles de M Brouttier ont d'ailleurs
laissé au musée de Guînes de nombreuses œuvres réalisées par leur père.
Parmi les événements de cette année 1910
figure également la première sortie de la Musique municipale réorganisée
par Edouard Mantez, son nouveau chef et qu'un nouveau médecin, le Docteur
Matringhem, originaire de la région de Gravelines, vient s'installer à
Guînes. Le docteur Matringhem succède au docteur Brunelle qu'il a fallu
conduire dans un asile d'aliénés à Armentières. En fin d'année 1910, c'est
la Société de gymnastique catholique, la Jeanne-d'Arc qui défile en ville
en compagnie de sa propre société de musique. Monsieur Hiart, chef révoqué
de la Musique municipale, dirige les musiciens.
En février 1911, on enterre à Guînes une personne bien
connue dans la ville et ses environs, c'est Alphonsine Verne, la marchande
d'allumettes soufrées. Cette brave dame qui faisait plusieurs fois la
route entre Guînes et Calais chaque jour était devenue aveugle à la fin de
sa vie.
Durant l'été 1911, une affaire enflamme la vie locale,
en raison du comportement de Monsieur MALRAS, directeur du pensionnat de
l'Etoile. A la veille de la distribution des prix, le directeur d'école
s'est enfui en laissant un passif de 30.000 F, de plus le Parquet de
Boulogne enquête chez le dénommé MALRAS, pour attentat aux mœurs sur
certains de ses élèves.
Nous voici en mai 1912 pour les élections municipales.
La quasi-totalité de la liste du maire sortant, NARCISSE BOULANGER, est
élue dès le premier tour, à l'exception du premier adjoint, M. RENAULT,
lequel sera battu au second tour par un candidat républicain socialiste,
M. BOULANGER-LAMARRE. Ce petit revers n'empêchera pas l'élection au
fauteuil majoral de NARCISSE BOULANGER, le 19 mai. La musique municipale,
dirigée désormais par EDOUARD VERNE donnera un concert dans la foulée
avant que la Société de gymnastique catholique, la Jeanne d'Arc ne
traverse à son tour la ville en compagnie de sa musique.
Pour en revenir à l'ambiance municipale, il m'est
permis de dire ici, (le temps a fait son œuvre et il y a prescription
!),que Eugène Brouttier est assurément un supporter ou un sympathisant de
Narcisse Boulanger. Eugène Brouttier relate un petit événement local
politique où Narcisse Boulanger s'en sort à son avantage au détriment de
Boulanger-Lamare, considéré comme socialiste et qualifié de
bourgeois. C'est dire toute l'influence politique d'un Narcisse
Boulanger sur l'esprit de la population, lequel Narcisse n'avait rien d'un
socialiste mais symbolisait la bourgeoisie locale.
Un peu plus loin, dans ses notes, BROUTTIER souligne
avec amusement le duel à distance que se livrent les associations locales
qui oeuvrent dans des disciplines identiques mais sous une bannière
politique différente. C'est le cas pour la société de gymnastique LA
PATRIOTE et la société "LA JEANNE-D'ARC", sans oublier les rivalités
musicales qui opposent la musique municipale et les batteries et fanfares
des sociétés de gymnastique.Chaque retour de compétition ou de festival
est l'occasion d'une petite fête où chacun veut rivaliser dans son domaine
artistique ou sportif.
En septembre 1912, il faut saluer la
réussite d'un concitoyen de Guînes, M. PIERRU, dit BOBO, dans son
organisation d'une ducasse de quartier dans le boulevard Blanchard. La
ducasse de l'Avenue Auguste-Boulanger, un mois plus tard, est également
très réussie.
En fin d'année, une sage-femme de Guînes,
est arrêtée par les gendarmes et conduite à Calais sous l'inculpation
d'avortement. Plus tard, elle sera condamnée en Cour d'Assises, à cinq ans
de prison, toujours sous l'inculpation d'avortement.
Pendant ce temps-là, l'ancien directeur du
pensionnat de l'Etoile passe lui aussi en Cour d'Assises pour attentat aux
mœurs sur ses élèves. Il est condamné à quatre ans de prison. C'est une
évolution des mœurs et de la jurisprudence de la société française qu'il
convient ici de souligner.
En 1913, la crise économique s'accentue et
touche rudement la ville de Guînes. On relève 47 maisons vides à GUINES
par suite du départ de ses habitants pour Calais, Boulogne, la région des
Mines. La plupart de ces immeubles mis en adjudication ne trouvent pas
preneurs faute d'offres.
Petite embellie dans cette grisaille
économique : l'ouverture dans la rue Joseph d'une fabrique de plumes à
écrire, sous l'égide d'une société de Boulogne-sur-Mer, la fabrique BLANGY-POURRE
et Cie.
Au début du siècle, la ducasse du Bois
était déjà instaurée, mais c'est à partir de 1913 qu'on décide d'en fixer
le jour au Mardi suivant le premier dimanche d'août. Le 15 octobre 1913,
la rue du Soleil devient rue Massenet, en mémoire du musicien qui vint
régulièrement chercher son inspiration à Guînes.
Nous voici en mars 1914 et Narcisse
Boulanger, fort de ses mandats de maire et conseiller général, renouvelle
sa candidature au poste de député. Il est opposé à trois autres candidats
dont un ancien cabaretier de Herbinghem, le dénommé LANNOY, dit FRANCO.
NARCISSE BOULANGER sera élu après deux tours de scrutin.