Le 17 octobre 1917, les troupes belges quittent définitivement la ville de
Guînes à la suite du différend qui opposait le député-maire et un officier
belge. Les commerçants qui avaient fait des affaires avec les troupes
belges depuis trois ans sont dans la consternation. Les belges vont
investir les communes des environs : Fiennes, Wissant, Caffiers... Le même
jour, NARCISSE BOULANGER fait afficher une proclamation invitant les
habitants à recevoir des soldats français de la même manière qu'ils ont
reçu des soldats belges.
Le lendemain, les Français font leur entrée
en ville avec un détachement de Sénégalais. Il s'agit d'un Bataillon du
401e de Ligne. L'état-major sera reçu officiellement à l'hôtel de ville
avec discours du maire et du directeur d'école. Le commandant de ces
troupes françaises est le GENERAL VALENTIN. Il sera logé chez le
député-maire.
Au cours de cet automne 1917, les »Taube »
allemands sont toujours menaçants, ils viennent régulièrement lâcher des
bombes dans le secteur de Pihen les Guînes et Caffiers en vue d'atteindre
la ligne de chemin de fer.
Le 20 octobre, une dizaine de prisonniers
allemands venant de Fiennes et se dirigeant vers Calais traversent la
ville de Guînes ; ceux qui les observent, notent qu'il s'agit toujours
de jeunes gens âgés de 16, 17 ans.
Le lendemain, la musique du 401ème donne
un concert sur la Place avant le départ pour le front. Une nouvelle
attaque en Belgique est annoncée. Ils sont remplacés par des soldats du
3ème de ligue qui viennent à Guînes en repos. Les Poilus marchent avec
une musique en tête et font sonner le clairon. Avant de rejoindre leur
cantonnement, ils vont à la mairie pour y déposer leurs drapeaux. Le
lendemain, un bombardement a lieu sur Calais et la Planche Tournoire,
les Allemands visent le camp des Anglais.
Guînes reçoit également les soldats blessés que l'on
installe à l'hospice, tandis que les établissements scolaires de filles
sont utilisés pour des jeunes filles blessées lors des bombardements de
Calais.
Les relations avec les soldats en garnison sont
parfois tendues : un guînois surnommé Diane est blessé de plusieurs
coups de couteau par un annamite qu'il avait apostrophé au café Couture
au Batelage.
Le 5 décembre, le 33ème fait ses adieux à la
population locale.
En cette fin d'année 1917, le froid et la neige font
leur apparition, les conditions de subsistance sont de plus en plus
difficiles, et au marché il arrive que l'on ne trouve qu'un seul panier
d’œufs exposé.
Les cartes de charbon sont distribuées à la
population et la farine qui arrive chez le boulanger est restreinte ;
ces mêmes boulangers n'ont plus le droit de vendre du pain aux personnes
qui n'habitent pas la commune. Quant à la distribution de sucre qui a
lieu en mairie en février 1918, elle occasionne quelques bousculades.
Le froid et la neige continuent de sévir jusqu'en
mars, et on fait la queue pour avoir du pain.
Tandis que les Américains commencent leur arrivée
dans le secteur, à Alembon et Campagne, un nouveau camp d'aviation est
inauguré le 14 mars 1918 au Russolin. De nombreux guînois ont assisté à
cette manifestation, mais le temps n'a pas permis aux avions de
s'envoler.
Sur le front, l'offensive allemande a repris et des
jeunes guînois sont appelés à partir de plus en plus jeune. Les classes
de 19, 20 et 21 ainsi que les sursitaires de l'agriculture doivent se
faire inscrire à la mairie. Après quoi, ils se dirigent vers Calais
munis d'une couverture, de vivres pour deux jours, d'une assiette et
d'une cuillère. Ce départ plutôt précipité cause une véritable
consternation dans toute la région.
Du côté du camp d'aviation du Russolin, des
prisonniers allemands ont été appelés pour y travailler. Eugène
Brouttier précise que c'est « très intéressant à voir ». Il note
également que ce terrain d'aviation a l'air d'un véritable village avec
ses hangars et ses nombreux bâtiments. Les aviateurs anglais y sont en
majorité.
An moment où les nouvelles du front ne sont pas excellentes, quelques
ménages guînois évacuent en prévision de l'invasion allemande. Il est vrai
que le 16 avril 1918, l'annonce est faite à Guînes que les Allemands ont
pris Bailleul et qu'ils continuent d'avancer. Durant ces journées, les
guînois entendent le canon jour et nuit. Quant aux camions anglais, ils
traversent la ville dans tous les sens de jour comme de nuit, ils
transportent notamment du matériel, et un aéroplane vint un jour à tomber
d'un camion dans la Grande Rue (actuellement rue S.Bown) où il est resté
toute la journée.
Désormais les fameux »Taube » allemands qui
s'aventurent dans le secteur sont poursuivis par les avions du Russolin.
Le 17 mai 1918, les notaires de Guînes et de
l'arrondissement sont invités à évacuer leurs études vers Boulogne. Cette
nouvelle n'est pas faite pour améliorer le moral de la population. On peut
ajouter que le moral de la population ne peut guère s'améliorer en raison
des récessions alimentaires. La ration de pain pour les vieillards de plus
de 60 ans est de 200gr, 600 gr pour les travailleurs des champs, les
adultes classés « ordinaires » ont droit à leurs 300gr de pain ; le pain
est un aliment essentiel à cette époque et sa restriction donne lieu à de
nombreuses réclamations.
Quant au chauffage et puisque le charbon fait défaut,
le maire de Guînes a conclu un arrangement avec l'armée belge pour la
fourniture de bois de chauffage coupé en forêt. Les restrictions
alimentaires sont tellement devenues lourdes à supporter pour la
population que la vente de certaines denrées se déroulent à la mairie afin
d'éviter des manifestations.
Ces restrictions se font sentir au niveau de l'état
civil puisque à la fin de juillet 1918, 120 décès sont enregistrés depuis
le 1er janvier, ce qui est un chiffre énorme en rapport à une année
normale. A ce sujet, on peut citer sur la base de l'état civil de Guînes
que sur l'année 1913 il y a eu au total 106 décès à Guînes ; sur ce
chiffre il est intéressant de noter que la mortalité infantile représente
40%.
Les chiffres vont augmenter progressivement tant du
côté des adultes que des enfants durant la période de guerre. En raison
des restrictions, les décès seront plus nombreux chez les enfants et les
personnes âgées tandis que les soldats tués au front viennent s'ajouter à
cette sinistre liste. En 1916, 49 enfants décéderont ainsi que 78 adultes,
tandis qu'en 1918 il y aura 64 enfants et 91 adultes soit un total de 155
personnes décédées. L'année 1918 est également marquée par une grosse
épidémie de grippe espagnole.
Tandis que Guînes connaît la peur et quelques
conséquences des bombardements sur Calais, quelques manifestations ou
séances récréatives sont organisées au patronage ou dans les écoles. Le
public a droit à diverses conférences (chants patriotiques, amitié
franco-belge) tantôt les enfants se chargent d'organiser des jeux, des
danses voire des représentations théâtrales.
Le 18 octobre 1918, une animation inhabituelle règne dans la ville, les
maisons pavoisent aux couleurs des alliés et même un concert de musique
est organisé sur la place. La nouvelle vient d'arriver à Guînes au sujet
de la reprise des villes de Lille, Roubaix, Tourcoing, Douai et quelques
villes de Belgique.
Dans le même temps et puisque la guerre est redevenue
une guerre de mouvement, l'exploitation du bois pour les tranchées n'est
plus nécessaire, les soldats belges reçoivent l'ordre de cesser leur
exploitation en forêt de Guînes. Dans ce début du mois de novembre les
nouvelles de la guerre sont connues rapidement, chacun a conscience que
l'armistice est proche.
Le 11 novembre 1918 c'est l'armistice, une
manifestation a lieu en ville ou l'on arbore de nouveau tous les drapeaux,
on sonne les cloches, l'enthousiasme est sans pareil malgré la pluie qui
vient quelque peu gâcher la fête.
Les restrictions, les déménagements des camps anglais
ont encore perturbé la vie de la cité et à partir du 10 décembre 1918
s'effectue le retour des premiers français. Si l'on en croit Brouttier la
plupart d'entre eux ont l'air plutôt en bonne santé et déclarent n'avoir
pas trop souffert grâce aux colis.
Une première fête en l'honneur de ces soldats aura lieu le 12 janvier
1919 à la salle du patronage. A la fin de cette soirée récréative il leur
fut distribué des couvertures, des colis et bons de viande.
Narcisse Boulanger reçoit la légion d'honneur et les
fêtes populaires sont à nouveau organisées.
Le 4 août 1919, le sculpteur Lescieux de Calais présente une maquette du projet du Monument aux Morts à
la mairie.
Les élections municipales ont lieu en
novembre 1919, Narcisse Boulanger et ses co-listiers sont élus avec une
large majorité, quant à l'opposition menée par M Duflos, elle obtient un
score moyen malgré une campagne électorale menée contre le système de
distribution de charbon et de denrées alimentaires pendant la guerre.
A noter qu'aux élections de Conseiller
Général quinze jours plus tard, Narcisse Boulanger sera élu sans aucun
candidat en face de lui. Narcisse Boulanger est resté maire de Guînes
durant 54 années.
En janvier 1921, a eu lieu l'ouverture du
Palais des Fêtes à l'emplacement de l'hôtel de Calais, Place d'Angerville
sur l'angle rue Sidney Bown.
Le 30 avril 1921, c'est la date du
rapatriement du premier poilu mort aux armées, le corps du soldat Laniesse
est déposé momentanément dans la chapelle de la famille de Guizelin au
cimetière
Le 5 juin 1921 par un temps pluvieux Guînes
inaugure le monument élevé sur la Grand Place en souvenir de ses enfants
morts pendant la Grande Guerre. Service solennel, banquet au palais des
Fêtes, défilé des sociétés, bénédiction du monument, discours, feux
d'artifices en soirée. La fête est grandiose pour inaugurer l’œuvre de Lescieux. Le 25 août de la même année, diverses cérémonies religieuses
marqueront l'inauguration de la statue de Saint-Michel dans les jardins de
l'église.
Dernière inauguration au cimetière en avril
1922 pour le monument militaire offert par le député-maire.
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