Le Trésor du Marais

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Tout commence voilà 

plus de 3000 ans, 

vers 1200 avant Jésus-Christ.

Nous sommes à l'âge de Bronze 

peu avant la période des Gaulois.

 

 Un groupe d'hommes et de femmes s'est réuni au bord des Marais, là où les collines de l'Artois rejoignent ce qui deviendra bien plus tard la plaine flamande. 

Leur intention est d'offrir un présent à l'esprit des lieux et ils laissent tomber à cet effet quelques objets  dans les eaux profondes, pour implorer la clémence.

Ces cadeaux disparaissent à jamais.

 

- 1985 -

Nous nous retrouvons au Marais de Guînes. Deux jeunes mariés contemplent la propriété qu’ils viennent d’acheter. Une modeste maison y est construite près d'un plan d'eau et nos nouveaux propriétaires décident alors de combler une partie de cette mare, pour en faire un jardinet.

Ils se procurent donc à peu de frais de la terre de remblai dans les environs. Notre propriétaire se met à l’ouvrage et épure cette terre des cailloux. Il va y trouver aussi 5 morceaux de ferraille qu'il jette négligemment sur le petit trottoir de ciment qui borde la maison

 


Vous devinez bien que cette action va être lourde de conséquences.

La suite est peut-être inattendue !


 

 - Les jours passent puis les semaines...

Près de la mare aux canards, le jardin est bien implanté, … et nos 5 objets de forme circulaire, d'une couleur un peu cuivrée traînent toujours non loin de là. Ils ne sont pas beaux mais trois d'entre eux servent de jouets aux jeunes enfants de la famille qui vit bien modestement. Les deux autres objets, faciles à accrocher, ont été rangés sur l'un des murs de la buanderie.

Jusqu’à ce moment, nos jeunes propriétaires n'ont pas porté plus d'attention que cela à ces objets qui risquent fort, un jour ou l'autre de passer dans la poubelle, de glisser dans l'eau boueuse de la petite mare ou de se faire oublier sous de la terre humide.

 

- Les mois se succèdent, les années aussi...

Les enfants ont grandi, le père et la mère commencent à être marqués par les ans et les travaux difficiles et nos trois objets gisent toujours dans la cour. 14 ans qu'ils traînent là, tantôt à droite, tantôt à gauche, parfois sous un amas de feuilles, parfois dans une motte de terre, toujours soumis aux intempéries.

14 ans qu'ils sont malmenés par les enfants, ignorés des parents.

 

- Nous sommes maintenant en Juin 1999.

C’est le soir, l'un des enfants est adossé à la porte de la maisonnette. Il contemple les lieux lorsque son regard est soudain attiré par un éclat inhabituel. Le soleil couchant donne en effet à l'un de nos objets une couleur toute particulière.

Il le ramasse et s'interroge: «Les métaux qui ne s'oxydent pas, de cette couleur dorée, ne sont pas nombreux». On dit que «Tout ce qui brille n'est pas or» mais «ce qui ne brille pas en est peut-être». Il serait intéressant de se renseigner, on ne sait jamais.

 

- Chose fut faite auprès d'un bijoutier de Calais qui n'hésita pas une seconde: «C'est de l'or et on peut en tirer un bon prix car ces objets sont des bijoux anciens... Il faut absolument voir un antiquaire qui évaluera ce petit trésor.»

Vous pensez bien que la modeste famille fit appel rapidement à un bijoutier-antiquaire qui  écumait d’ailleurs régulièrement la région en quête d'objets intéressants.

La mère se disait : «On possédait des bijoux dans la cour et on ne le savait même pas. On va peut-être pouvoir améliorer l'ordinaire pendant quelques temps avec l'argent que nous allons en tirer ?»

Le jour venu, notre expert observa brièvement les trois objets sortis du jardin et nettoyés à la hâte. Fébrilement, sans prononcer le moindre mot, il sortit son chéquier, écrivit puis déposa sur la table de la modeste maison un chèque d'une valeur de 200 000F (30 000€).

- La mère empocha lentement le chèque. Elle n'osait compter le nombre de zéros tant ils étaient nombreux. Tout fusait dans sa tête : les achats possibles, l'aide aux enfants, une vie plus heureuse... Mais pendant ce temps, le père observait l'attitude anormale de l'acquéreur. Une impression bizarre l'avait envahi, celle de se faire arnaquer malgré l'importance de la somme.

Imaginez maintenant l'antiquaire sortant de la propriété, un trésor sublime dans le cartable, les mains moites, la sueur au front, la peur au ventre qu'on ne le rappelle... Il peut se frotter les mains, ce monsieur. Il vient de s'approprier un bracelet et un collier pré-gaulois, une superbe ceinture de la même époque. Un bijou unique fait d'une triple torsade et fermé aux extrémités par une sorte de trompe. Trois kilogrammes d'or chargés d'histoire, façonnés en bijoux uniques d'une valeur inestimable.

 

- Escroqués ou non par l'antiquaire, la somme était rondelette et l'événement avait incité la famille à la plus grande discrétion. Le silence était retombé comme une chape de plomb sur cette histoire d'or et d'argent. Personne n’avait et n’aurait vent de ces événements.

 

- Tout ce serait arrêté là, si quelques mois plus tard, en Mars 2000, un couple de retraités de Balinghem faisait une découverte extraordinaire. Près de leur étang, ils avaient voulu niveler la terre issue de ce dernier et rapportée sur le jardin. Ils mirent à jour et sous les lames d’un motoculteur 6 morceaux de métal de formes similaires. Cette forme particulière et la couleur peu ordinaire intriguèrent nos gens. La brosse eut vite fait de décrotter l’ensemble.

 

- Il s’agissait aussi d’un trésor.

Nos retraités allèrent sur Paris pour consulter des antiquaires. On leur a fait croire n'importe quoi.

 « Je me souviens » dit la dame,  « nous étions dans le métro, notre trésor dans mon sac, … j’avais une peur bleue, j’observais chaque individu de crainte d’être victime d’un vol à l’arraché  …  Finalement, nous nous sommes adressés directement au Musée des Antiquités Nationales à St Germain en Laye ». 

Et là, la surprise : 1,8 Kg d’or à 24 carats entraient dans la fabrication de  nos 4 Bracelets pré-gaulois et nos 2 torques trouvés.

 

Nos retraités et le Musée sont restés très discrets sur la transaction dont le montant s’annonçait être de loin bien supérieur à la somme donnée à la famille guînoise par notre antiquaire peu scrupuleux. La nouvelle, bien sur, fit la « une » des journaux locaux, se propagea et c’est avec une certaine amertume que nos vendeurs de bijoux du Marais de Guînes se virent confirmer l’arnaque dont ils avaient été victimes.

 

Coup de théâtre...

Nos infortunés Guînois retrouvent, par le plus grand des hasards , dans la buanderie, accrochés derrière des chaînes de vélo, deux autres bijoux.

 Rappelez-vous : ils avaient vendu trois pièces alors que, du remblai providentiel, ils avaient sorti cinq morceaux de ferraille.  Nos guînois se rapprochèrent des heureux retraités de Balinghem et le Musée fut aussitôt contacté.

Madame Louboutin conservatrice se déplaça immédiatement afin de mettre en sécurité les deux pièces retrouvées. Elle avait pris connaissance de la mésaventure arrivée à la famille guînoise et n’avait pas  tort de se précipiter.

Les deux morceaux de ferraille étaient en fait deux superbes torques datant eux aussi de la fin de l’âge de bronze. L’un d’un poids de 343 g était décoré de 5 côtes ciselées ; l’autre de 794 g était unique, décoré de fines stries obliques inversées à chaque embout.

La commission artistique proposa à nos heureux guînois le rachat des deux colliers, cette fois à leur juste valeur et personne ne fit de confidence sur le montant élevé de la transaction.

Le procureur de la République fut par la suite saisi afin de récupérer les 3 premiers bijoux achetés très en dessous de leur valeur. Ils furent d’ailleurs à l’époque classés trésor national et furent renégociés avec beaucoup de difficultés.

 


 

Deux familles de la région avaient vécu ainsi, bien différemment et à leur manière, la mise à jour d’un trésor vieux de 3000 ans.


 

- Il est très étonnant qu’il y ait eu deux dépôts de bijoux précieux à si peu de distance et en cette fin d'âge de bronze  dans la région de Guînes. (Ces deux trésors trouvés ne font en effet pas partie d’une même offre votive). Les bijoux gravés (ceux du Marais de Guînes) sont plus spécifiques au Continent et aux Iles Britanniques alors que les bijoux non gravés (ceux de Balinghem) font penser à une origine ibérique.

Ils montrent tout comme les tumulus découverts sur le haut de Guînes, qu’une société importante, organisée et hiérarchisée s’était bien établie dans notre région voici plus de trois mille ans.

 

- Avec ces deux découvertes, le Musée des Antiquités Nationales de St Germain en Laye possède aujourd’hui la plus extraordinaire collection d’objets datant de la fin de l’âge de bronze. Elle surprend les visiteurs et fait le bonheur des chercheurs.

   

 

La Moralité:

Vous avez certainement en tête, 

une citation, un proverbe qui siérait bien 

à cette petite histoire locale.

 

 Il est  à rappeler simplement que :

 « Tout le monde vit 

à côté de trésors cachés. 

Le plus important est 

de prendre le temps d’observer 

et

tout paraîtra évident».

 

 

En Conclusion :

 

 Si par le plus grand des hasards, vous découvrez aussi un trésor, faites confiance aux Musées Nationaux. Ils sauront estimer à sa juste valeur votre bien. 

Vous ferez aussi preuve de civisme en évitant que des objets uniques, de grandes valeurs passent dans une collection privée ou étrangère.

 

Jean-Louis BODART

Société Historique de Guînes